La campagne présidentielle américaine, les soupçons d’ingérence de la Russie, mais aussi l’attitude du Président Trump pendant les premiers mois de son mandat, ont constitués pendant toute l’année 2017 un terreau fertile aux débats sur la diffusion de fausses nouvelles, autrement qualifiées de « Fake News ».
Encore hier, Donald Trump lançait les « Fake News Awards », censés « récompenser » les journalistes et médias s’acharnant, selon lui, contre sa présidence. Parmi les lauréats, ont été distingués le New York Times, le Washington Post ou encore CNN.
En France, pendant la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel MACRON, alors candidat, était la cible de nombreuses rumeurs et informations mensongères, souvent grossièrement présentées sous la forme d’articles de presse, et relayées sur les réseaux dans un but partisan.
Il s’en était vertement ému, n’hésitant pas à accuser, en présence de Vladimir POUTINE, certains médias tels que Russia Today ou Sputnik d’être des « organes d’influence et de propagande ».
Lors de ses vœux à la presse du 3 janvier dernier, Emmanuel MACRON annonçait la présentation prochaine d’un projet de loi visant à lutter contre la diffusion de Fake News, spécifiquement pendant les périodes électorales.
Depuis, le projet de loi est en discussion au sein du Ministère de la Culture.
Cette actualité brûlante est l’occasion de faire le point sur l’existant, l’arsenal de lutte actuellement disponible pour lutter contre de tels faits (1), et d’analyser les prochaines innovations législatives en la matière (2).
1. Les moyens de lutte disponibles contre la diffusion de fausses nouvelles
Pour lutter contre les Fake News, des textes existent, mais sont strictement appliqués :
✅ La publication de fausses nouvelles, faite de mauvaise foi, troublant l’ordre public, ou susceptible de troubler l’ordre public peut être puni d’une peine de 45.000 euros d’amende (Article 27 de la loi sur la liberté de la presse de 1881).
Ce délit ne peut être poursuivi que sur l’initiative du Ministère Public.
Dans la pratique, ce dernier ne semble que peu faire usage de cette possibilité. Une explication pourrait être le fait que le Parquet considère qu’une telle action constituerait une immixtion trop importante dans la sphère de la liberté d’expression.
✅ La diffamation (allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération) est également réprimée, ainsi que l’injure (Article 29 de la loi sur la liberté de la presse de 1881).
Ces délits peuvent concerner la diffusion de fausse nouvelles, dès lors qu’elles renferment l’imputation d‘un fait de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’un individu, ou une expression outrageante (invective).
Il est possible de s’exonérer en rapportant la preuve de la véracité du fait diffamatoire. Cette limite rend l’exercice de l’action en diffamation peu aisée, et constitue tout l’enjeu du débat sur les Fake News, l’évaluation de la notion de « vérité » étant par définition problématique.
✅ La diffusion de fausses nouvelles est également sanctionnée spécifiquement lorsqu’elle est faite dans le contexte d’une élection (Article L. 97 du Code électoral).
Eu égard à l’éventail législatif existant, et à l’ancienneté de ces textes, qui ont sus s’adapter aux évolutions de la société, et notamment à l’émergence des réseaux sociaux (c’est le cas de la diffamation), on voit a priori mal pourquoi le législateur a considéré devoir intervenir.
Cependant, il est à noter que l’application de ces textes est enfermée dans des conditions strictes, limitant grandement les chances de succès des actions formées sur ces fondements, et donc l’efficacité de la lutte contre la diffusion de fausses nouvelles.
2. Les contours du futur projet de loi
Le projet de loi est en discussion au sein du Ministère de la Culture, et Françoise Nyssen a eu l’occasion de s’exprimer afin de définir les contours de la réforme à venir.
L’idée est claire : faciliter et accélérer les actions de nature à interdire ou à limiter la diffusion massive de fausses nouvelles, notamment en responsabilisant les plateformes, et en renforçant la transparence pour les contenus sponsorisés.
Ainsi, il est envisagé la création d’une nouvelle action en référé, permettant de supprimer les contenus faux diffusés massivement en période électorale, et de supprimer et/ou bloquer certains sites ou certains comptes utilisateurs ouverts sur différents réseaux sociaux.
Cette action permettrait également de limiter, ou d’empêcher l’achat d’espaces publicitaires par des annonceurs diffusant de fausses informations, et de renforcer les obligations de transparence concernant ces contenus.
Qui pourrait avoir l’initiative d’une telle action ?
Eu égard aux dernières déclarations du gouvernement, il semblerait qu’il revienne au CSA de prendre l’initiative d’une telle action en référé. Emmanuel MACRON a en effet déjà indiqué qu’il entendait étendre les pouvoirs du Conseil.
Le CSA est, à l’heure actuelle, limité dans ses compétences au secteur audiovisuel (TV et radio) à l’exclusion du web.
L’exécutif semble également réticent à s’octroyer un pouvoir d’initiative dans ce cadre, via par exemple l’intervention du Procureur, risquant dans ce cas de se voir reprocher une immixtion trop importante dans l’exercice de la liberté d’expression, ou d’agir de manière partiale, dans le but de favoriser une opinion plutôt qu’une autre.
La diffusion de fausses nouvelles a connu une véritable explosion à l’air des réseaux sociaux et des crises de représentativité, nécessitant une intervention du législateur.
Cependant, on le constate, le projet de loi essuie certaines critiques, l’enjeu étant de réaliser la synthèse entre la nécessité d’une répression plus efficace, et les exigences de la préservation de la liberté d’expression.
Le projet de loi devrait donc, à n’en pas douter, faire l’objet d’âpres débats.
Le cabinet JACOB AVOCATS assure la défense des intérêts de ses clients devant les juridictions répressives en droit de la presse, et reste à votre disposition pour vous renseigner sur ces questions.