La saga judiciaire Viagogo se poursuit : le Tribunal de commerce de Paris condamne la plateforme à retirer les offres de revente de billets de concerts n’ayant pas été autorisées par les producteurs des spectacles concernés.
Le site www.viagogo.fr met à la disposition des internautes une plateforme de revendre et d’acheter des billets de spectacles et de concerts en Europe. Viagogo ne propose toutefois pas directement les billets à la vente.
Depuis quelques années, Viagogo a été placé sous les feux de la rampe judiciaire, notamment dans le cadre de litiges l’opposant à l’Opéra de Paris (Tribunal de Commerce de Paris, 15 février 2012), ou encore l’association des Vieilles Charrues (Cour d’appel de Rennes, 6 novembre 2012) et dans le cadre desquels il lui était reproché de proposer à la revente des billets de spectacle à un prix supérieur à leur valeur faciale.
En l’espèce, plusieurs sociétés de production de spectacles (Corida, Jean-Claude Camus Productions, JHD, Nous et TS3) reprochaient à Viagogo de publier sur son site des annonces de vente de billets de concerts (notamment les concerts des BB Brunes, Lana Del Rey, Mylène Farmer ou encore Christophe Maé), sans que les annonceurs n’aient obtenu l’autorisation des producteurs pour procéder à de telles ventes.
Tout récemment, Viagogo a été condamné, en vertu d’une ordonnance du 20 mars 2013 rendue par le Tribunal de Commerce de Paris statuant en référé, à retirer les offres de vente de billets relatives à ces concerts sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par offre.
Cette condamnation a été prononcée au visa de l’article L313-6-2 du Code pénal qui prohibe le fait de vendre des titres d’accès à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur des droits d’exploitation de ce spectacle.
Pour tenter de dégager sa responsabilité, Viagogo a argué que le texte précité est exclusivement applicable aux éditeurs de sites internet, qualité dont le site ne jouit pas. En effet, Viagogo n’intervient ni dans la rédaction des annonces, ni dans la fixation du prix et n’a donc, à ce titre, que la qualité d’hébergeur.
Selon Viagogo, le régime de l’hébergement lui permet d’échapper à une obligation générale de surveillance des informations qu’elle transmet ou stocke, et à une obligation générale de recherche de faits ou de circonstances révélant des activités illicites, en application de l’article 6-1-5 de la Loi de Confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004.
Cette argumentation n’a pas emporté la conviction du Tribunal de Commerce de Paris, qui a jugé que la rédaction de l’article L313-6-2 du Code pénal est générale et n’opère donc pas de distinction entre les moyens technologiques utilisés aux fins d’offrir à la vente ou de fournir les moyens en vue de la vente de titres d’accès à des spectacles vivants.
Dès lors, il ne pouvait en être déduit que cet article ne s’applique pas aux sites internet ayant uniquement un statut d’hébergeur.
Le Tribunal a donc mis à la charge de Viagogo l’obligation de vérifier si les auteurs des annonces publiées sur la plateforme ont reçu l’autorisation des organisateurs des spectacles pour procéder à une telle revente, sans toutefois dire de quelle façon le site devra s’y prendre.
Le Tribunal s’est contenté de juger que « Viagogo est la seule à connaître l’identité de son annonceur et donc à avoir la capacité à vérifier, ou à assurer qu’il est bien habilité à vendre les billets du spectacle qu’il propose ou qu’il ne le fait pas à titre habituel. »
Cette décision constitue donc une brèche importante dans le statut de l’hébergeur : si ce dernier n’a théoriquement pas à surveiller les contenus stockés sur son site, il est malgré tout tenu de le faire en pratique, ce qui n’est parfois pas compatible avec les fonctionnalités du site…